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Ce blog contient un recueil de textes (1) qui nous ont paru intéressants dans le cadre des réflexions sur la question "Europe et laïcité".
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jeudi 4 décembre 2008

Le triomphe de la violence religieuse

PAR ALAIN DUHAMEL

Source: Libération - 4/12/2008

Les attentats de Bombay avec leur cortège de cadavres, de vies brisées, de familles déci­mées constituent l'apothéose de la violence religieuse en 2008. Elle est cette fois-ci, comme souvent, d'origine isla­mique et a frappé aveuglément comme toujours, des hindouistes, des musulmans, des chrétiens et des juifs. Si. dans cette région du monde, les intégristes islamiques sont particulièrement concentrés et redoutables -au Pakistan, en Afghanistan, en Inde, en Indonésie- ils sont loin de détenir le monopole de la violence religieuse. En Inde, les hindouistes aussi ont recours aux atten­tais, aux bombes et aux fusillades. Les chrétiens, infi­niment moins nombreux, sont cependant visés et personnes dans cette immense Etat-continent. La vio­lence d'inspiration, de tradition ou de masque religieux submerge l'ex-joyau de l'empire briiannique. comme elle dévaste toute la région.
Malheureusement, ce qui culmine en Asie existe par­tout dans le monde, sur les cinq continents. Le fracas de la crise financière, le désastre de la crise économi­que et sociale ont estompé cette malédiction qui triomphe au début de ce troisième millénaire: la reli­gion, les religions sont devenues ou redevenues le ressort, le prétexte, l'inspiration de la plupart des violen­ces et des conflits.
Durant les deux derniers siècles, les impérialismes, l'expansionnisme et les idéologies totalitaires avaient joué le rôle principal. Ils avaient provoqué deux guer­res mondiales, la Shoah, les guerres coloniales et d'innombrables conflits locaux. Des dizaines de millions de morts, des centaines de millions de blessés, des dé­vastations effrayantes, des famines et des ruines en avaient été le résultat direct.
Aujourd'hui, les idéologies totaliraires d'extrême droite ou d'extrême gauche ont perdu tout prestige. Elles ont trop fait leurs preuves. Les empires colo­niaux ont disparu les uns après les autres, les grandes guerres d'expansion territoriale aussi. Comme il est plus commode d'habiller et de grimer la violence, ce sont donc les religions qui, de nouveau, comme jadis, jouent le rôle principal.
Au Proche et au Moyen-Orient, elles sont derrière tous les conflits et tous les tenorismes. de plus en plus in­fluentes, de plus en plus cruelles, de plus en plus nécessaires pour offrir de pseudos justifications au terro­risme et aux guerres. Musulmans contre juifs, sunnites contre chiites, islamistes contre "croisés". Israël, la Palestine, l'Irak, l'Iran et, à vrai dire, toute la région sont infestés, dévastés, déstabilisés par la vio­lence aux couleurs religieuses. En Afrique, les conflits ethniques et les appétits économiques se mêlent étroilement aux clivages religieux.

En 2008. la religion n'est pas l'opium du peuple mais sa grenade, sa charge explosive, demain son missile. En apparence, les Amériques ct l'Europe sont moins directement touchées. A y regarder de plus près, mieux vaut ne pas s'aveugler. La folle Irlande cesse à peine de voir catholiques et protestants s'étriper, comme depuis quelques siècles. En ex-Yougoslavie, catholiques, orthodoxes et musulmans se massa­craient encore il y a dix ans. Aujourd'hui, le catholi­cisme orthodoxe renaît en Russie sous sa forme la plus nationaliste et la plus farouche, en opposition aux populations musulmanes des confins de l'ex-cmpire. Dans les Balkans, dans le Caucase, la religion se casque et s'arme. En Europe occidentale, en Amérique, elle est plus pacifique ou du moins peu violente. Encore faut-il ne pas oublier les siècles de guerre de religions ici, et ne pas omettre les racines religieuses des exils forcés qui ont fait l'Amérique. Encore faut-il surtout ne pas négliger la montée du fondamentalisme chez les chrétiens. Elle apparaît pai­sible quand on la compare aux guerres et au terro­risme religieux sur d'autres continents. Aux Etats-Unis cependant, la droite religieuse pro­gresse à la fois dans l'épiscopat catholique et chez les évangéliques protestants, notamment les charismati­ques, a fortiori les born again. Leur idéologie porte sa part de responsabilité dans la rupture qui menace sans cesse islam et Occident. Cette pente-là, ce retour du fondamentalisme chrétien a des prolongements
Cette malédiction triomphe en ce troisième millénaire :
les religions sont devenues ou redevenues le ressort, le
prétexte, l'inspiration de la plupart des violences et
des conflits.
en F.urope, par exemple au sein des épiscopats italien et espagnol, la France étant jusqu'ici immunisée grâce à sa laïcité et à son gallicanisme. Reste que si le terrorisme est d'abord islamique, si la violence religieuse maximale n'est pas occidentale, tous les conti­nents sont frappés par la tentation du fondamenta­lisme, tous sont menacés par la violence religieuse. Les hauts dignitaires des religions monothéistes ten­tent sincèrement de dialoguer pour extirper la vio­lence religieuse, pour l'exorciser. Mais que pèsent leurs colloques distingués et leurs débals angéliques face à l'identification croissante des religions et de la violence? Au XXI éme siècle, la religion est de nouveau l'accélérateur de violence?

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